Un atelier de sensibilisation et de formation en matière de droits de l’homme à l’endroit des communautés de base concernées par les projets d’investissement miniers et agricoles dans la Région Sud-Ouest a été organisé à Toliara du 29 au 31 octobre 2014 par le Centre de Recherches et d’Appui pour les Alternatives de Développement – Océan Indien (CRAADOI) et l’association Miaro Aina Zon’Olombelona Tontolo Iainana (MA.ZO.TO), avec l’appui du Haut Commissariat aux Droits de l’Homme (HCDH) et du Collectif pour la Défense des Terres Malgaches –TANY.
Cet atelier se situe dans la poursuite de la campagne de sensibilisation, de formation et de plaidoyer sur le thème « Droits humains, foncier et investissements » qui a été entamée en mars 2014 dans différentes régions du pays (Taolagnaro, Moramanga, Antsirabe), en raison de l’enjeu vital que représentent les investissements miniers et agricoles, dont le nombre a sensiblement augmenté ces derniers temps à Madagascar, par rapport au respect des droits de l’homme en général, et aux droits des communautés concernées en particulier.
L’atelier avait pour objectifs principaux de doter les communautés concernées et la société civile des connaissances requises en matière de droits de l’homme en général, et de Principes Directeurs des Nations Unies relatifs aux Entreprises et aux Droits de l’Homme en particulier ; de mettre en place un réseau de défenseurs des droits de l’homme au niveau des communautés riveraines aux projets d’investissement ; et d’appuyer la société civile et les communautés concernées afin d’influencer la révision des politiques sectorielles, notamment minières et foncières, en faveur d’une meilleure considération des droits humains. L’atelier a aussi permis de faire une restitution des résultats de l’étude exploratoire relative aux impacts des projets d’investissement miniers et agricoles dans la région du Sud Ouest (Toliara), qui a été effectuée en septembre 2014 par le CRAAD-OI avec l’appui du HCDH et du Collectif TANY.
L’atelier a rassemblé les représentants de 17 communautés (fokontany) concernées par le projet minier de la société Toliara Sands dans les communes d’Ankililoaka, Ankilimalinike et Tsianisiha, ainsi que des représentants de la société civile. Des autorités au niveau de la Direction Régionale de la Population, de la Région du Sud Ouest, des Districts de Toliara I et de Toliara II, ainsi qu’un représentant de Toliara Sands ont aussi assisté à la restitution de l’étude exploratoire.
Le premier jour de l’atelier a coincidé avec l’Audience Publique Nationale et Régionale pour tout public organisée par l’Office National de l’Environnement (ONE) dans le cadre de l’évaluation de l’étude d’impact environnemental et social du projet d’exploitation d’ilménite, de rutile et de zircon de la société Toliara Sands. Cette coincidence a permis aux participants d’assister à l’audience publique, afin de demander des réponses aux questions qu’elles se posent aux parties prenantes du projet, et d’exprimer leurs avis sur ce projet.
Ainsi, le Président de l’Association MA.ZO.TO et membre de l’association FIARTO (Fikambanan’ny Artista avy any Toliara), Monsieur Théo Rakotovao, a exprimé ses graves préoccupations au sujet des risques élevés d’impacts destructeurs du projet sur l’environnement, non seulement en tant que patrimoine naturel, mais aussi en tant que patrimoine culturel et en tant que capital pour le développement de l’industrie touristique dans la région. Quant aux représentants des communautés, ils se sont exprimés en majorité contre le projet pour des raisons principalement liées à ses impacts négatifs sur leur
accès à la terre et aux ressources naturelles, sur leurs moyens d’existence, sur l’environnement et sur la sauvegarde de l’héritage légitime des générations futures. Pendant la restitution des résultats de l’étude exploratoire, Madame Zo Randriamaro, la Coordinatrice du CRAAD-OI, a souligné les points suivants :
- Il y a d’importantes lacunes en matière d’information du public et
d’application des dispositions de la loi foncière 2005/019, notamment
de celle qui concerne la propriété privée non titrée. - Les ambiguités du régime foncier et l’ignorance de la loi qui le
gouverne par la population impliquent le risque potentiel pour les
communautés concernées par le projet minier de ne pas toucher de
compensation adéquate pour la perte de l’accès à leurs terres de
culture et de pâturage, et aux ressources naturelles. - Le nombre des projets d’investisseurs chinois a beaucoup augmenté
depuis la transition (2009-2013), cependant les entretiens avec les
informateurs indiquent que la plupart des sociétés chinoises se sont
installées et ont commencé leurs opérations dans la région sans
passer par toutes les autorités locales compétentes. - La faiblesse du cadre juridique et réglementaire des investissements
constitue un problème majeur qui est susceptible d’affecter
négativement la gouvernance des secteurs d’investissement, avec des
effets induits sur les droits humains de la population concernée. - Le projet minier de Toliara Sands comporte un risque élevé d’incidence
négative sur le droit à l’alimentation des communautés concernées en
raison des impacts sur l’accès à la terre et aux ressources naturelles. - Le manque de transparence sur les termes des contrats
d’investissement, ainsi que l’absence de mécanisme effectif de
redevabilité des investisseurs, surtout en ce qui concerne les
investisseurs chinois qui prédominent dans la région, constituent de
graves lacunes en termes de régulation des investissements, avec des
conséquences néfastes sur les droits humains.
Conformément à l’un de ses objectifs susmentionnés, les participants à l’atelier ont décidé de se constituer en association de défenseurs des droits de l’homme, afin de contribuer à la sauvegarde des droits humains de la population concernée par les investissements dans la région du Sud Ouest.