L’actualité médiatique de ces dernières semaines a été marquée par les propos d’un sénateur qui semble s’être substitué au projet Base Toliara pour réclamer la reprise de ses activités et assurer sa promotion, étant donné que la suspension de toutes activités de communication de celui-ci par les autorités étatiques est toujours officiellement en vigueur. Les propos tenus par ce sénateur ont fortement révolté les membres des communautés directement concernées par le projet Base Toliara, qui ont d’ailleurs manifesté leur mécontentement dans les médias1
Leur mécontentement est d’autant plus justifié que les propos et l’attitude de ce sénateur qui revendique son statut d’élu du peuple manifestent clairement sa volonté d’ignorer la voix et les droits des communautés opposées au projet Base Toliara qui constituent l’écrasante majorité de la population directement concernée par ce projet minier. En effet, il n’a été fait aucune mention de cette grande masse de la population directement affectée par ce projet, alors que des milliers de personnes vont être expulsées de leurs terres et perdre leurs moyens de subsistance, sans compter les impacts dévastateurs sur toute une panoplie de droits humains dont leur droit à la terre, leur droit à l‘eau, leur droit à la santé, leur droit à un logement convenable, leur droit à un niveau de vie suffisant, leur droit à un environnement sain et propice à leur développement, ou encore leurs droits culturels pour n’en citer que quelques-uns.
Les membres des communautés de Toliara I et II directement affectées par le projet Base Toliara n’ont eu de cesse de réclamer la fermeture définitive de ce projet depuis plusieurs années, compte tenu de ses impacts susmentionnés. De surcroit, leur indignation à l’égard de la position du sénateur est exacerbée par la déclaration par l’élu en question de son appartenance à « l’’ethnie dominante »2 ainsi qu’au parti présidentiel, comme pour insinuer que sa position reflète celle du Président de la République lui-même, et que toute contestation audit projet équivaut opposition au régime actuel.
Les organisations de la société civile signataires de ce Communiqué, en appui aux communautés affectées par le projet Base Toliara, se doivent de rappeler que le droit au développement tel qu’il est disposé par les différents instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par l’Etat Malagasy consacre, entre autres, les principes de l’égalité, de la non-discrimination, de la transparence, de la responsabilité et de la participation, et énonce des exigences essentielles comme le respect de l’autodétermination et de la souveraineté des peuples sur leurs ressources naturelles.
Ainsi, il importe de souligner que ces communautés directement affectées ont le droit de dire Non à un projet qui les expose à de graves atteintes à leurs droits humains fondamentaux, et que la voix de chacun et chacune de leurs membres compte tout autant que celle de quiconque, sans considération de leur appartenance ethnique et sans aucune autre forme de discrimination.
D’autre part, nous tenons à rappeler les résultats de l’Audit de conformité du processus applicable à l’octroi des permis miniers et à la certification environnementale du projet Base Toliara publié par la Cour des Comptes le 09 septembre 2020, qui a mis en exergue de graves problèmes tels que:
- des irrégularités relatives à l’obtention des permis du projet Base Toliara,
- l’insuffisance de la prise en compte des impacts environnementaux de ce projet minier sur des zones sensibles et protégées,
- le non-respect du droit de la propriété du sol, dont les droits fonciers des occupants traditionnels, sans compter la violation des droits des collectivités publiques relatifs au domaine public et au domaine privé.
Nous réaffirmons donc notre position selon laquelle l’obtention irrégulière, donc illégale, des permis environnemental et miniers du projet Base Toliara, conjuguée aux risques de corruption liés à une telle irrégularité, ainsi que la gravité des impacts irréversibles de ce projet sur les droits humains fondamentaux des communautés concernées, ne permettent en aucun cas d’envisager une quelconque négociation concernant la reprise de ce projet minier, et devraient constituer un motif irréfutable pour son arrêt définitif.
Nous exhortons ainsi les autorités étatiques Malagasy à prendre toutes les mesures nécessaires pour donner effet aux recommandations de la Cour des Comptes dans le cadre de toutes procédures d’octroi futur de permis miniers, et de répondre enfin à l’appel des communautés concernées de procéder à l’arrêt définitif du projet Base Toliara dans l’immédiat.
Antananarivo le 13 Avril 2021
- CRAAD-OI : Centre de Recherches et d’Appui pour les Alternatives de Développement – Océan Indien
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