Suite à l’approbation par les Députés du projet de loi sur les Zones Economiques Spéciales et avant son étude par les Sénateurs dans les prochains jours, le Collectif TANY tient à souligner des idées qu’il a déjà transmises au mois d’août dernier dans la « Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République de Madagascar suite au Fotoam-bita – Rendez-vous n°12 » (1) et à demander l’ajout de précisions sur quelques sujets dans la loi.
En effet, ce projet de loi n°018/2017 du 18 juillet 2017 n’a pas été présenté au grand public avant son passage à l’Assemblée Nationale et une attention particulière sur les points relevant des intérêts de la nation et des communautés locales nous a amenés à formuler quelques propositions.
La mise en place de ces zones spéciales censées apporter le développement ne doit pas détruire la vie et les moyens d’existence actuels des communautés locales.
Cette crainte fondée par la connaissance de certaines pratiques encore rencontrées à Madagascar récemment malgré les appels à la retenue et à plus d’humanisme et de respect vis-à-vis des moins riches que soi et des compatriotes, est renforcée par la lecture dans l’exposé des motifs du projet de loi [..] de la notion de « parcelles rapidement livrées aux entreprises »
Les familles composant les communautés des zones où vont être installées les ZES ne doivent pas être prises au dépourvu ni expropriées/expulsées comme des « vauriens » et des sans-droits : leur consentement libre, informé, préalable, devrait être obtenu. Les articles 52 et suivants du projet de loi parlent « d’achat des terres des particuliers par l’Etat et/ou d’expropriation pour cause d’utilité publique », le Collectif TANY tient de plus à rappeler que le montant des prix d’achat ou des indemnisations devrait être suffisamment élevé pour qu’ils permettent aux propriétaires de disposer de biens et de sources de revenus équivalents à ceux qu’ils avaient avant l’achat ou avant l’expropriation. (2)
L’article 6 du projet de loi précise que « la surface minimale d’une ZES sera fixée par voie réglementaire ». Le Collectif TANY trouve que la précision d’une surface maximale à ne pas dépasser est aussi primordiale pour ne pas priver les familles malgaches et les générations futures des biens communs que sont les terres de l’Etat, pour d’autres projets. Le cas du Parc d’Ehoala qui rencontre des difficultés depuis plusieurs années à trouver des investisseurs pour travailler dans la zone malgré toutes les facilités accordées nous amène à proposer la superficie de 450 ha supérieure à celle de ce Parc comme surface maximale. Cette surface maximale devrait apparaître dans la loi pour que son respect fasse partie de la réglementation. La superficie totale maximale à accorder à l’ensemble de toutes les ZES devrait également être fixée par la loi.
Nécessité de mesures explicites et concrètes pour que la mise en place de ZES contribue réellement au développement
Puisque des surfaces de terres seront ainsi allouées à des investisseurs dans des ZES, pour des décennies, dans l’espoir qu’elles apportent le « développement », la loi sur les ZES doit comporter des clauses et des indicateurs qui assurent que chaque ZES mise en place contribuera véritablement au développement.
Un grand nombre de ZES créées ne sera pas un signe de « développement » du pays et de la population malgaches.
L’expérience des autres pays dont s’est inspiré le projet de loi a aussi montré que toutes les ZES n’ont pas apporté les bienfaits escomptés. Et dans tous les cas, le lien de cause à effet entre la création de ZES et le développement n’est ni automatique ni « magique » mais résulte de stratégies et méthodes de travail rigoureuses de la part des responsables du pays.
Face aux nombreuses exonérations de taxes et impôts mentionnées, les avantages économiques attendus pour l’Etat d’une part, pour la population de l’autre devraient être mieux explicités dans la loi ;
Les prix planchers de location des terres des ZES et de la « redevance domaniale » (article 29), des gains pour l’Etat, devraient être fixés et publiés ;
Des balises relatives aux emplois des nationaux par rapport aux expatriés sont formulées (en pourcentages) dans les articles 41 et suivants du projet de loi mais un nombre minimal de travailleurs à embaucher par entreprise devrait être précisé;
Les communautés et populations riveraines ainsi que les collectivités territoriales décentralisées telles que les communes doivent bénéficier des retombées économiques de l’existence de ces zones économiques spéciales mais ne devraient pas seulement être des « voisins » victimes et ignorés.
Le Collectif TANY soutient fermement la mise en place de procédures de suivi et d’évaluation permanentes et de sanction éventuelle des ZES
Une transparence sur les sommes annuelles gagnées par l’Etat grâce à la présence et aux activités des ZES, comme cela existe pour les sociétés minières dans le cadre de l’EITI (Initiative pour la transparence dans les industries extractives)(3), sera nécessaire pour prouver aux citoyens la réalité et le montant de l’apport des ZES, ainsi que l’utilisation qui est faite des sommes ainsi obtenues.
Un « observatoire indépendant » impliquant des représentants de la société civile devrait être mis en place pour assurer le contrôle et le suivi des activités des ZES, vérifier le respect du programme de développement, le calendrier et les obligations financières, – dont nous demandons la mention explicite dans la convention – (Article 26) ainsi que le respect des lois et des intérêts nationaux malagasy.
La loi devrait intégrer le principe d’une évaluation-bilan systématique dans tous les domaines après la création de 4 ZES et avant l’ouverture d’une série de 4 nouvelles zones, par mesure de prudence et en vue d’une optimisation des pratiques et de la réglementation.
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