Madagascar : Pire que le projet Daewoo, la stratégie nationale de l’agribusiness

 Cet article aborde trois sujets relatifs aux terres malagasy « réservées pour des projets d’investissement » :  

  • 4 millions d’hectares d’aménagement pour des agropoles, un nouveau type de zones d’investissement à la mode en Afrique, sont prévus dans les 10 ans à venir selon la Stratégie Nationale de l’Agribusiness.
  • Un projet de loi-cadre sur les terrains dit « à statuts spécifiques » sera probablement soumis par le  gouvernement à l’Assemblée Nationale pour approbation à la prochaine session parlementaire.
  •  Les 60.000 hectares mis à la disposition du groupe émirati Elite Agro LLC par le Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche dans le Bas-Mangoky.

Les agropoles ou pôles de croissance agricole « sont un ensemble d’entreprises, situées dans une zone géographique délimitée,  qui entretiennent des relations fonctionnelles dans leurs activités de production, de transformation et de commercialisation d’un produit animal, végétal halieutique ou forestier ». C’est une autre forme des Zones Economiques Spéciales (ZES), une nouvelle tendance des dirigeants en Afrique qui a vu l’émergence de plus de 30 pôles de croissance couvrant plus de 3,5 millions d’hectares dans 23 pays depuis 15 ans, Les recherches en Afrique ont montré que l’efficacité de ces partenariats public-privé pour la lutte contre la pauvreté et pour la sécurité alimentaire n’a pas été prouvée. La surface prévue par les responsables malagasy est scandaleuse et inacceptable, plus du triple de la surface convoitée par le projet Daewoo en 2008. Mais indépendamment de la surface, au lieu de confier l’agriculture malagasy à des acteurs privés, hommes d’affaires nationaux, firmes multinationales, pas forcément agriculteurs, qui préfèrent souvent se consacrer aux cultures de rente et d’exportation, sous prétexte de modernisation et de transformations bénéficiant à une minorité dans le cadre de l’agribusiness, nous proposons de privilégier les paysans et les exploitations familiales qui font travailler principalement tous les membres de leurs familles pour assurer l’alimentation de l’ensemble des habitants et d’accorder davantage de réflexions, d’efforts, de moyens, et de fierté dans la réussite d’actions ayant des retombées positives pour la population rurale qui constitue la majorité des Malagasy.

Le mot « agropole » ne figurait pas dans le texte du projet de loi mais une présentation sur les agropoles a été faite pendant un atelier de finalisation du projet de loi-cadre sur les terres incluses dans les aires soumises à des régimes juridiques spécifiques à Antsirabe en mars 2020. L’esprit, les principes et les procédures décrits dans ce projet de loi ont provoqué des protestations de la part de diverses entités, notamment l’absence d’implication des communautés de base et des collectivités décentralisées dans les prises de décisions et la lourdeur des procédures et des coûts rendant impossibles la réalisation des projets de développement local sur les terrains dits « à statuts spécifiques ». « L’impact du contenu de cette future loi-cadre sur le développement du pays dans des secteurs stratégiques » et « les conséquences importantes inévitables qu’aura la version finale de ce projet de loi sur l’ensemble de la population malagasy » ont amené 40 organisations de la société civile à écrire au gouvernement en mai 2020 pour exprimer leur souhait d’élargir la consultation aux communautés locales et acteurs concernés directement par les différents types de terrains dans les différentes régions. Le refus de concertations régionales et de diffusion de la version actuelle de la loi-cadre sur les terrains à statuts spécifiques font craindre que des changements significatifs n’aient pas été apportés à la suite des consultations par mail effectuées par le Fonds National Foncier. Des concertations interrégionales seraient prévues pour un projet de loi sur les domaines fonciers communautaires. La plus grande vigilance est ainsi recommandée à tous les citoyens, mais surtout aux députés et sénateurs qui engageront leur responsabilité au cours de l’examen et du vote du projet de loi-cadre sur les terrains à statuts spécifiques, qui déclenchera une série d’autres lois et de mesures cruciales.

Le 7 avril 2021, le Conseil des Ministres a approuvé la mise en place d’une task force (groupe de travail) interministérielle pour organiser et coordonner la mise en place des 60.000 ha mis à la disposition du groupe émirati Elite Agro LLC par l’Etat malagasy dans la région Menabe. Différentes demandes d’éclaircissement sur ce projet sont adressées aux hautes autorités nationales, en particulier : ce projet bénéficiera-t-il des infrastructures hydroagricoles financées par des prêts auprès de la Banque Africaine de Développement que des générations de Malagasy devront rembourser ? Tout en confirmant le refus du projet, nous proposons que les paysans malagasy soient privilégiés dans l’attribution de terrains dans le Bas-Mangoky, aussi bien sur la rive droite que sur la rive gauche, notamment les migrants venant du Sud, qui fuient la sécheresse, devraient être installés sur ces terres, avec différentes mesures d’accompagnement consistantes qui seront déterminées avec leur participation aux échanges et décisions.

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