Face à l’activisme et au dynamisme des promoteurs des Zones Economiques Spéciales (ZES) et d’autres projets d’investissements favorisant les étrangers pendant que les politiciens se disputent à propos des lois électorales, le Collectif TANY et le CRAAD-OI tiennent à renforcer le débat concernant la loi sur les ZES.
L’ordre du jour de la session ordinaire de l’Assemblée Nationale prévoit pour la semaine prochaine (1) le vote d’un projet de loi N°033-2016 du 17 Août 2016 autorisant la ratification de l’Accord d’établissement de la Commission Mixte entre la République de Madagascar et la République de Maurice, qui rappelle fortement l’accord-cadre de coopération sur la Zone Economique Spéciale de Taolagnaro signé à Port-Louis le 11 mars 2016 (2). Les dirigeants et décideurs malgaches ayant trop pris l’habitude anti-démocratique d’ignorer la transparence et de faire voter des lois dont le contenu n’est pas dévoilé aux citoyens, nous réclamons encore une fois un débat sur tous les projets de loi touchant aux terres malgaches avant leur présentation à l’Assemblée Nationale.
Par ailleurs, la loi sur les ZES a été votée le 3 avril 2018 dans les mêmes conditions très contestables que les lois électorales qui font l’objet de la crise politique actuelle. Le grand public ignore si le contenu a subi des modifications après la déclaration de non-conformité de plusieurs articles par la Haute Cour Constitutionnelle de la loi n°2017-023.(3) Ce vote doit aussi être annulé.
Le Président de la République a déclaré récemment que les ZES ne constituent pas une vente des terres malgaches mais seulement « une location pour 30 ans renouvelable ». Un publi-reportage diffusé sur plus d’une chaîne de télévision et répétant cet argument choque beaucoup de citoyens.
Nous tenons en effet à rappeler que la loi sur la location de terres de longue durée appelée « bail emphytéotique » à Madagascar fait courir de grands risques de perte définitive des terres malgaches car elle permet à la société locataire d’hypothéquer une partie des terrains auprès des banques. A cet égard, le cas le plus connu est l’hypothèque de plusieurs hectares de terres auprès d’une banque internationale par une société minière à Ambatovy.
Nous réitérons par ailleurs que la location de terres a les mêmes effets que la vente pour les familles de paysans qui cultivent et vivent sur les terres concernées car elles seront expropriées ou expulsées, sans vergogne, prétendument pour cause d’utilité publique, alors que les destinataires et bénéficiaires des zones économiques spéciales sont des investisseurs privés.
Le caractère renouvelable de cette location rend la durée indéterminée d’autant plus que la politique des dirigeants, au cours des dernières années, accorde toujours la priorité à l’utilisation et l’attribution de terres aux investisseurs, surtout étrangers, au détriment de l’intérêt de la majorité de la population.
Dans une video accessible au grand public (4), un responsable a parlé des bénéfices que ces zones spéciales économiques apporteront pour le pays. Après des hésitations, il a mentionné les « dividendes » dont il n’a pas précisé la source, ainsi que les impôts que paieront les employés embauchés par les entreprises des ZES. Il est évident qu’il n’est ni utile ni nécessaire d’attribuer des centaines d’hectares de terres à des entreprises majoritairement étrangères pour faire gagner de tels revenus à l’Etat.
Comme ce personnage haut placé cite la société QMM comme référence, la question des « dividendes » a rappelé aux auditeurs la recapitalisation de QMM en décembre 2015, à la suite de laquelle les dividendes que la société QMM devrait rapporter à l’Etat malgache pendant de nombreuses années à venir seront versés à la compagnie Rio Tinto (5). La référence à la société QMM et la lecture de certains articles de la loi n°2017-023 font craindre que les dépenses nécessitées par la mise en place de ZES, qui sont estimées à deux milliards de dollars US pour celle d’Antsiranana, ne viendront d’emprunts qui deviendront des dettes très lourdes pour les futures générations malgaches (6).En tous cas, l’exemple retenu par ce responsable démontre que les ZES n’apporteront que très peu de bénéfices pour l’Etat alors qu’elles font courir beaucoup de risques et de dangers à la population.
Dans cette même video, un autre grand promoteur des ZES déclare que la mise en place des ZES correspond à un « choix de société ». Nous affirmons qu’un tel projet de société est contraire aux intérêts de la majorité des Malgaches, car il fera perdre à la majorité des familles et générations futures de vastes superficies de terrains dont elles auront besoin pour se développer de manière durable.
- L’absence de débat et de consultation des citoyens au niveau national sur ce projet de loi sur les ZES,
- la velléité d’attribuer des pouvoirs régaliens de l’Etat à l’AZES – Autorité de régulation des ZES – dans la loi, l’entêtement et l’utilisation de méthodes scandaleuses et expéditives par les dirigeants pour faire voter cette loi le 3 avril dernier à l’Assemblée Nationale après le rejet par un vote des députés une semaine auparavant,
- l’affirmation par certains responsables que « le recours à la ZES est incontournable pour le pays » (7) et
- la diffusion de messages de promotion exceptionnellement fréquents avant la promulgation de la loi,
provoquent de nombreuses questions sur les engagements déjà pris par les autorités nationales auprès de personnes et groupes à l’étranger.
- La connaissance par la presse que la loi malgache sur les ZES a été conçue et rédigée par un expert international (8) et la vue d’images de « ZES Malgache » sur internet (9), « villes nouvelles » complètement déphasées par rapport aux réalités de la vie de la majorité des Malgaches amènent à se demander si les ZES ne sont pas une nouvelle forme de colonisation, c’est-à-dire la mise en place de manière « légale » d’une domination politique et économique d’un territoire par des puissances étrangères.
Le Collectif TANY et le CRAAD-OI réclament l’annulation du vote de la loi sur les ZES et appuient les revendications des citoyens qui réclament un droit foncier garantissant la priorité à la population malgache pour la propriété et l’usage des terres.
5 mai 2018
Pour Le Centre de Recherches et d’Appui pour les Alternatives de Développement – Océan Indien (CRAAD-OI)
Randriamaro Zo, Coordinatrice – craad.madagascar@gmail.com ; http://craadoi-mada.com
Pour le Collectif pour la Défense des Terres Malgaches – TANY
Rakotondrainibe Mamy, présidente – patrimoine.malgache@yahoo.fr ; www.terresmalgaches.info ; www.facebook.com/TANYterresmalgaches.
Références :
(1) http://www.assemblee-nationale
Mercredi 16 mai 2018 , 10h00 – Salle des Séances
-Projet de loi N°033-2016 du 17 Août 2016 autorisant la ratification de l’Accord d’établissement de la Commission Mixte entre la République de Madagascar et la République de Maurice.
Des doutes sont cependant permis sur l’emplacement de la (ou des) ZES choisie(s) par les Mauriciens car ils semblent également intéressés par la ZES d’Antsiranana.
(4) https://www.youtube.com/watch?
(7) http://www.madagascar-tribune
(9) http://test.befiana.com/zone-e
Lire également :
- LA LOI SUR LES Z.E.S., UNE PORTE OUVERTE À L’ACCAPAREMENT DE TERRES À MADAGASCAR http://www.terresmalgaches.inf
o/spip.php?article202
ADRESSE AUX SÉNATEURS : http://www.terresmalgaches.inf