Lettre ouverte sur l’île Sakatia

LETTRE OUVERTE  À MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE MADAGASCAR
À PROPOS DU CONTRAT DE BAIL EMPHYTEOTIQUE ILLEGAL SUR L’ILE SAKATIA

Monsieur le Président de la République,

Le « Projet présidentiel » dans le domaine touristique qui prévoit un bail emphytéotique de 99 ans sur l’île Sakatia est-il au-dessus des Lois ?

Telle est la question directe et légitime que vous posent les signataires de la présente Lettre ouverte, qui sommes à la fois les défenseurs des droits et les partenaires des communautés affectées, face aux divers événements relatifs au bail emphytéotique illégal de 99 ans conclu entre les grands investisseurs réputés au sein de la société GREEN MADA LAND et les autorités Malagasy en ce qui concerne l’île Sakatia, située dans la Région DIANA au nord-ouest de Madagascar.

En effet, les responsables locaux des ministères en charge du foncier et de l’environnement savent pertinemment que la communauté de Sakatia est déjà bénéficiaire du transfert de gestion locale du patrimoine bio-culturel, et que de ce fait, l’île Sakatia ne peut être mise en location ou vendue.

Ce bail emphytéotique de 99 ans est d’autant plus illégal et suscite des soupçons, étant donné que les autorités compétentes locales savent bien qu’il y a un Arrêté N° 27 227/2019-MAHTP du 29 novembre 2019 qui a annulé complètement ce contrat de bail emphytéotique avec la société GREEN MADA LAND.

Monsieur le Président de la République,

Un contrat de bail emphytéotique est similaire à une vente si on considère son impact sur la population locale, parce que celle qui vit actuellement sur les terres concernées par le bail ne peut plus y vivre ni y travailler ; elle ne pourra plus y enterrer ses morts, et ses descendants ne pourront plus hériter de ces terres. Un bail emphytéotique de 99 ans constitue le pire des cas.

Cependant, le 24 mai 2023, les autorités étatiques compétentes du district de Nosy Be ont convoqué les communautés affectées qui se sont regroupées au sein de l’association Anjava Sakatia, et leur ont signifié qu’elles vont être déplacées parce que la société GREEN MADA LAND a déjà payé la location pour 99 ans à l’Etat Malagasy, et que le bail emphytéotique a été enregistré au Centre fiscal de Nosy Be.

Les communautés affectées ont organisé des réunions publiques et des interventions dans les media pour exprimer leur refus de l’expulsion de leurs terres et leur inquiétude au sujet de leur déplacement. Lorsqu’il a entendu l’écho de ces manifestations de contestation de la part des communautés affectées, un responsable étatique local les a interpellées de nouveau en leur disant de ne pas s’opposer au bail emphytéotique en faisant autant de bruit, mais d’accepter un arrangement à l’amiable avec la société GREEN MADA LAND car c’est un « projet présidentiel » que celle-ci doit réaliser.

Monsieur le Président de la République,

Nous sommes convaincus que pour toutes ces raisons, vous constatez clairement que les droits des communautés affectées sont bafoués à plusieurs titres :

  • depuis le début, on ne leur a pas donné le droit de connaître tout ce qui concerne ce bail emphytéotique et d’en décider, alors qu’il est bien précisé dans la législation foncière en vigueur qu’une île ne peut pas être louée ;
  • le droit de refuser l’accaparement par autrui des terres qu’elles se sont engagées à entretenir et développer en tant que bénéficiaires du transfert de gestion locale du patrimoine bio-culturel ;
  • et par-dessus tout, le droit de protéger leurs terres ancestrales et leurs moyens d’existence.

Ces violations des droits humains sont dues au non-respect des lois et à l’épaisseur de l’opacité qui règnent actuellement dans le domaine des investissements fonciers, y compris ce « projet présidentiel » à Sakatia. Nous vous appelons à ne pas permettre à ce projet de causer des souffrances aux communautés affectées et de détruire leurs conditions de vie, conformément à votre serment selon lequel « Je vais utiliser le pouvoir qui m’est accordé et consacrerai toute mes forces pour défendre et renforcer l’unité nationale et les droits de l’homme. Je jure de respecter et de préserver comme la pupille de mes yeux la Constitution et les lois de l’Etat, ainsi que le bien-être du peuple Malagasy sans distinction.»

Les organisations signataires de cette lettre ouverte

  • rappellent constamment que la Constitution en vigueur reconnaît clairement que Madagascar doit respecter les traités internationaux sur les droits économiques, sociaux et culturels, et stipule que la transparence est exigée pour la bonne gestion des affaires nationales ;
  • expriment leur solidarité pleine et constante envers les compatriotes vivant à Sakatia face à ce projet qui les tracasse et menace leurs droits économiques, sociaux et culturels.

Dans l’espoir d’une réponse claire et satisfaisante de votre part à notre question, veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, nos salutations les plus respectueuses.

Antananarivo, 12 juillet 2023

Centre de Recherches et d’Appui pour les Alternatives de Développement – Océan Indien (CRAAD-OI)

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Fikambanana TANY miaro ny tany malagasy – Collectif pour la défense des terres malgaches – TANY

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