Le Chef de l’Etat osera-t-il sacrifier les droits des communautés opposées au projet minier de Base Toliara, le patrimoine naturel et les intérêts nationaux au profit des intérêts privés d’une minorité ?

 Le Chef de l’Etat osera-t-il sacrifier les droits des communautés opposées au projet minier de Base Toliara, le patrimoine naturel et les intérêts nationaux au profit des intérêts privés d’une minorité ?

 Depuis le début de cette année 2023, les media et les réseaux sociaux ont rapporté l’opposition constante au projet Base Toliara exprimée par les représentants de la majorité des communautés concernées au cours de plusieurs entrevues sur les principales chaînes de télévision nationales et de manifestations publiques, notamment pendant la récente visite du Président de la République dans le district de Toliara II suite au cyclone Freddy. A chacune de ces occasions, les communautés concernées ont clairement demandé au Chef de l’Etat de prononcer l’arrêt définitif du projet Base Toliara, comme elles n’ont pas cessé de le faire depuis sa suspension décidée en 2019 par le Conseil des Ministres.

Cependant, dans une entrevue récente avec la presse1, la Directrice de Cabinet du Président de la République a laissé entendre qu’il n’exclut pas d’autoriser la reprise du projet Base Toliara «…si toutes les conditions sont réunies pour démarrer le projet,…(..)…et que toute tentative de déstabilisation de l’opposition sur le projet Base Toliara n’a pas lieu d’être car la démarche adoptée est scientifique et pragmatique avant de statuer sur la suite.»

Ces propos tenus par une représentante de la plus haute instance du pouvoir exécutif font suite à une intensification – en toute impunité – des activités de communication et de promotion du projet Base Toliara qui ne sont plus seulement menées par ses supporters parmi certains élus et groupes locaux, mais aussi par des membres du personnel de Base Toliara eux-mêmes, alors qu’il n’y a encore eu aucune annonce officielle au sujet de la levée de l’interdiction des opérations et des activités de communication de ce projet.

Cet état de fait tend à confirmer la véracité des rumeurs grandissantes selon lesquelles le Chef de l’Etat aurait déjà accepté d’autoriser la reprise du projet Base Toliara en échange de son soutien pendant la prochaine campagne présidentielle.

Un tel acte posé par le Chef de l’Etat manifesterait une volonté délibérée de fouler aux pieds les revendications exprimées par les communautés concernées de leurs droits fondamentaux sur les terres, leurs moyens de subsistance, leur environnement et leur santé. Un tel acte signifierait également qu’il aurait choisi de sacrifier la souveraineté du Peuple Malagasy sur ses ressources naturelles et ses intérêts économiques au profit d’une société étrangère qui a exprimé clairement son intention d’exploiter à Madagascar non seulement les sables minéralisés incluant l’ilménite, mais aussi la monazite et les terres rares2 qui sont des minerais critiques pour la transition énergétique des pays industrialisés, mais dont les conséquences irréversibles sur la destruction de l’environnement sont connues dans le monde.

Les organisations signataires de ce Communiqué ont déjà alerté les autorités étatiques depuis plusieurs années3 au sujet des impacts prévisibles de l’exploitation des terres rares qui seraient catastrophiques pour les écosystèmes et les moyens d’existence des communautés riveraines, tout en perpétuant la spoliation néocoloniale des ressources minières stratégiques de Madagascar, déguisée sous les habits verts de la « transition énergétique propre » dans les pays industrialisés.

Nous tenons à souligner que pour le pouvoir exécutif actuel, autoriser la société Base Resources à exploiter les sables minéralisés puis les terres rares à Madagascar reviendrait indubitablement à faire des sites miniers concernés des zones de sacrifice afin d’assurer la sécurité énergétique et climatique de pays riches qui ont décidé de protéger leurs propres populations et environnements des effets néfastes de l’exploitation des terres rares et de les externaliser sur les écosystèmes et les communautés concernés de notre pays.

Nous osons espérer qu’à défaut de nous écouter, les autorités étatiques entendront les voix de la raison et de leur conscience citoyenne, se rappelleront de leurs obligations et engagements en vertu d’innombrables lois nationales et internationales, et mettront fin définitivement aux ambitions destructrices du projet Base Toliara.

24 avril 2023