L’appel d’offres de l’OMNIS pour l’attribution de titres sur 44 blocs pétroliers et gaziers compromet la gestion durable et démocratique des ressources naturelles de Madagascar
Le mardi 6 novembre lors de la Semaine africaine du pétrole qui s’est tenue du 5 au 9 novembre 2018 au Cap en Afrique du Sud, Madame Voahangy Nirina Radarson, la Directrice Générale de l’OMNIS (Office des Mines nationales et des Industries stratégiques) a annoncé l’ouverture du cycle de licences d’exploration pétrolière offshore à Madagascar en partenariat avec les compagnies sismiques TGS et BGP.
Suite à cette annonce, l’OMNIS va procéder à l’octroi des titres pétroliers aux opérateurs intéressés sur 44 blocs pétroliers et gaziers mesurant chacun 1.940km², représentant une superficie totale de 63.296 km². Pendant la période d’ouverture de l’appel d’offres pour les licences allant du 7 novembre 2018 au 30 mai 2019, l’OMNIS engage une campagne de promotion internationale (roadshow) pour présenter les blocs pétroliers et gaziers, attirer des investisseurs et multiplier les options.
Cette campagne de promotion pour l’attribution de licences est préoccupante à plusieurs égards. En premier lieu, on ne peut que déplorer l’opacité qui a entouré la prise d’une décision à la portée aussi importante, en dépit du leitmotiv du Ministre chargé des Mines et du Pétrole, qui prône la bonne gouvernance des ressources minérales et une démarche participative et inclusive. Les objectifs économiques et politiques poursuivis par les décideurs par l’octroi de ces licences / droits d’exploration, de mise en valeur et de production de gaz et de pétrole conventionnel demeurent par exemple
inconnus.
De surcroît, nous ignorons si cette décision a été prise à la suite d’une évaluation environnementale stratégique (EES), qui par définition est conçue pour intégrer les enjeux environnementaux et sociaux dans le processus de décision en identifiant au préalable les différents problèmes et perspectives. Or, l’exploration et la production offshore de pétrole et de gaz à une telle échelle va directement à l’encontre des objectifs de protection des ressources halieutiques ; de la préservation et restauration des écosystèmes marins dont dépendent les moyens d’existence et la sécurité alimentaire d’une grande partie de la population Malagasy, et du développement des autres secteurs utilisateurs des actifs
océaniques.
En plus des risques élevés de superposition des blocs pétroliers et gaziers avec les aires marines protégées et sensibles, il est certain que les opérations relatives aux études sismiques auront des effets néfastes sur l’environnement naturel et humain des zones concernées, en particulier sur la faune dont les mammifères marins, tandis que la mise en valeur et la production de gaz et de pétrole ne feront qu’aggraver les émissions de gaz à effets de serre qui sont en grande partie responsables du fait que Madagascar est le 3ème pays au monde le plus gravement affecté par le changement climatique.
Par ailleurs, nous nous demandons sur quelle base juridique sera faite cette attribution de licences, sachant que la refonte du Code Pétrolier 96-018 est toujours en cours et reste inachevée depuis 2008. Normalement, le Code Pétrolier énonce les principes de droit, tandis que les dispositions qui peuvent nécessiter des adaptations ou ajustements périodiques (telles que les procédures administratives, les frais administratifs, etc.) sont fixées par voie réglementaire. Or, depuis l’adoption de ce Code Pétrolier en 1996, il n’y a eu qu’un seul décret d’application, à savoir le Décret 97-740 sur les titres miniers.
- La détermination et la hâte manifestées par l’OMNIS et le Gouvernement sont inquiétantes, en l’absence d’un cadre légal et règlementaire adéquat, et dans un contexte politique et institutionnel où des changements imminents sont attendus au sein du gouvernement et des institutions concernées. En raison de toutes ces préoccupations, les organisations de la société civile signataires de ce Communiqué lancent un appel urgent au Ministère des Mines et du Pétrole, à l’OMNIS et à toutes les autorités compétentes à :
- suspendre la campagne de promotion pour l’attribution de licences sur les 44 blocs pétroliers et gaziers susmentionnés ;
- reprendre les ateliers régionaux prévus depuis le mois de mars 2017 avec les représentants des secteurs public et privé, des autorités locales, des élus et de la société civile, en vue d’achever la révision du Code Pétrolier et ses textes d’application dans le cadre d’une démarche participative et inclusive ;
- assurer la transparence au sujet de la situation de ces 44 blocs miniers en publiant toutes les informations sur leurs aspects techniques et géo-scientifiques, les modalités et critères d’attribution prévus, ainsi que les résultats des études qui ont été faites préalablement à l’ouverture du cycle de licences et qui ont conduit à les promouvoir ainsi ;
- entreprendre une série de consultations avec toutes les parties prenantes du secteur, y compris les petits pêcheurs artisanaux et les communautés côtières concernés, en vue de garantir leur consentement libre, informé et préalable à la mise en exploration et exploitation des blocs offshore pétroliers et gaziers dans le bassin de Morondava.
Antananarivo, le 27 novembre 2018
LES SIGNATAIRES