La révision du Code Minier malgache doit être réalisée mais en intégrant toutes les parties prenantes et tous les enjeux cruciaux

Le Code Minier de 2005 (1) en vigueur actuellement est réputé mondialement pour sa forte tendance à favoriser les sociétés minières au détriment de l’Etat et de la population malagasy (2). Sa révision ou sa refonte dans le sens d’une amélioration des conséquences positives pour les Malagasy s’avère donc indispensable, même si cela ne plaira pas aux sociétés minières et aux organismes protecteurs du secteur privé au niveau national et international.

Le 28 novembre 2019, la plateforme des Organisations de la société civile sur les Industries Extractives (OSC-IE) avait publié à juste titre une lettre ouverte au Président de la République de Madagascar pour s’opposer à toute prise de décision unilatérale et non transparente de l’Etat dans l’élaboration et la mise à jour du Code Minier et pétrolier. Le 10 décembre, au cours de la cérémonie de remise des rapports 2017 et 2018 de l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (EITI), le Ministre chargé des Mines et des Ressources Stratégiques confirme que « l’avant-projet de loi portant refonte du Code minier et pétrolier a [déjà] été soumis au Conseil du Gouvernement » sous forme de « dispositions complémentaires » et que des ateliers avaient été organisés auparavant « à Antananarivo et dans les régions pour collecter les recommandations émises par toutes les parties prenantes ». Le Ministre annonce que l’avant-projet de loi sera présenté le 20 décembre 2019 à un Forum sur la réforme du Code Minier auquel tous les acteurs concernés sont invités à participer ».(3)

Les hésitations des décideurs et les débats entre les différentes instances autour de la refonte du Code Minier et pétrolier rappellent les péripéties des années passées car en 2015, un travail de révision du Code minier impliquant les organisations de la société civile et les citoyens avait évolué et franchi plusieurs étapes, puis a été suspendu de manière unilatérale par les hautes autorités de l’Etat en mars 2017 « car les changements prévus avaient alarmé les investisseurs » (4). En fait, les sociétés minières et leurs promoteurs avaient obtenu gain de cause dans l’arbitrage que les responsables de l’Etat avaient mené (5).

Face aux mêmes tiraillements entre les défenseurs d’intérêts divers et antagonistes, l’équipe au pouvoir dirigé par le Président de la République Andry Rajoelina décidera-t-elle dans les prochains jours d’annuler la révision du Code Minier comme l’avait fait l’équipe précédente ou résistera-elle aux pressions et au lobbying des protecteurs du secteur privé en instaurant une vraie négociation avec l’ensemble des citoyens pour mieux défendre les intérêts de la nation et des communautés locales directement impactées par les projets miniers ?

Le contenu de l’avant-projet de loi, tel que rapporté par plusieurs organes de presse, concerne principalement une augmentation des redevances minières et l’attribution d’une part de la production à l’Etat (3). Des explications complémentaires, des réflexions collectives et des débats entre les diverses parties prenantes seront nécessaires pour trouver le montant optimal des augmentations de taux à appliquer mais également le mode de gouvernance adéquat pour que le peuple malgache tire réellement des bénéfices de ces nouvelles propositions.

Par ailleurs, la consultation préalable des communautés affectées (6), le Foncier (7), l’environnement et la radioactivité (8), entre autres, sujets particulièrement sensibles à Madagascar actuellement dans le cadre des projets miniers, ne sont pas du tout cités dans les résumés et commentaires de l’avant-projet de loi actuel du gouvernement. Cette omission signifie-t-elle que ces sujets ne sont pas abordés dans la « refonte » du Code minier et que les articles correspondants du Code minier de 2005 seront maintenus ?

Des échanges et décisions pour la prise en compte et le traitement de ces thèmes dans le projet de loi s’avèrent incontournables afin que le Code minier révisé ou refondu ne continue pas à porter atteinte aux intérêts et droits économiques, sociaux, environnementaux et sanitaires de la population malagasy et que les impacts des opérations minières ne détériorent pas le niveau de vie et la santé des communautés locales riveraines.

Le forum du 20 décembre prévu pour expliquer davantage le projet de loi du gouvernement ne suffira pas pour échanger sereinement et se convaincre mutuellement sur ces sujets vitaux. La hâte des décideurs de délivrer les 50 nouveaux permis miniers (3) ne peut pas justifier l’absence de considération de ces thèmes cruciaux.

« Evitons de confondre vitesse et précipitation dans cette refonte de la loi qui sera fondamentale pour l’avenir du secteur minier ».

17 décembre 2019

CRAAD-OI : Centre de Recherches et d’Appui pour les Alternatives de Développement – Océan Indien craad.madagascar@gmail.com ; http://craadoi-mada.com

Collectif pour la défense des terres malgaches – TANY
patrimoine.malgache@yahoo.fr ; http://terresmalgaches.info ; www.facebook.com/TANYterresmalgaches

Références: