La révision du Code Minier, mai 2023

 Madagascar : La révision du Code Minier, un sujet majeur de la session parlementaire de tous les dangers

 La session parlementaire qui commence ce mardi 2 mai 2023 revêt une importance particulière car parmi les projets de loi annoncés dans la presse figurent des thématiques particulièrement cruciales, parmi lesquelles le Code Minier qui fera l’objet de ce premier article d’une série de trois communiqués. Comme depuis quelques années, les décideurs ont tendance à pencher vers l’adoption de mesures visant à attirer les investisseurs, sans grand succès selon un observateur de la vie politique et économique (1), nous appelons les législateurs et les citoyens à faire preuve de vigilance, à bien peser les différents aspects et à ne pas accepter toutes les propositions sans discernement.

Depuis la dernière révision du Code Minier en 2005, différentes parties prenantes ont fini par se ranger à l’avis d’une organisation européenne qui avait écrit en 2012 que Madagascar était l’eldorado des compagnies minières et pétrolières (2) en raison des avantages trop importants que le Code Minier accordait aux entreprises. Les échos des discussions organisées par l’Etat sur le projet de nouveau Code Minier ont permis de savoir que les grandes sociétés minières opérant déjà sur place s’opposaient à divers changements proposés par l’Etat ou par la société civile (3).

Mais que pouvons-nous attendre du nouveau Code Minier dont le projet de loi n’a pas été mis à la disposition de tous les citoyens sans distinction, pour que chacun puisse participer au débat, comme nous l’avons souvent réclamé ?

La conférence de presse tenue par le Ministre des Mines et des Ressources Stratégiques a annoncé entre autres, « une hausse des redevances qui passent de 2 à 5% », une réduction des surfaces accordées aux titulaires de permis et la création « d’un Fonds minier d’investissement social et communautaire, d’une Centrale de l’or et d’un Comptoir des pierres précieuses » (3). Les conséquences réelles de ces modifications et créations seront mieux connues plus tard. Par contre, les medias rapportent les contestations du projet de loi par un représentant des organisations de la société civile portant notamment sur la part jugée insuffisante des ristournes qui reviendront aux collectivités décentralisées (4), et sur les relations des sociétés minières titulaires de permis avec les propriétaires du sol.

Par ailleurs, une étude publiée en 2023 sur les lois minières malagasy (5) à laquelle a participé l’ancien Ministre des Mines devenu Ministre de l’Eau, évoque « la sécurisation foncière de l’exploitation minière » parmi les outils stratégiques recommandés et mentionne l’importance de la « stabilité de la transparence » concernant les « règles d’accès à la terre », sans donner davantage de précisions. Les citoyens vigilants ne manqueront pas de faire le lien avec le caractère vague de la formulation des droits des propriétaires sur les terres délimitées dans un périmètre minier dans la nouvelle loi sur les propriétés privées non titrées (PPNT) de 2022 (6) et de se poser des questions sur la mise en pratique de ces idées. En particulier, il faudrait savoir dans quelle mesure, ces règles d’accès des sociétés minières à la terre dans le nouveau Code Minier ne vont pas à l’encontre des intérêts de la majorité des citoyens malagasy et de leurs droits déjà très précaires sur leurs terres.

L’approbation du nouveau Code Minier par le Parlement risque par ailleurs de déclencher la levée de la suspension de la délivrance de permis miniers mise en place en 2010, laquelle n’a pas été tout à fait respectée, puisque des permis ont été délivrés entretemps, et d’ouvrir la porte à de nombreux titulaires de permis sans balises suffisantes pour s’assurer que les impacts négatifs de l’exploitation minière ne dépassent pas les retombées positives. Toutes les régions ayant un potentiel minier appréciable et attractif, le pays entier risque de subir les conséquences néfastes d’un extractivisme non raisonné et sans balises.

En particulier, alors que des projets d’exploitation de terres rares se trouvent dans l’agenda des dirigeants, l’absence de sanctions sévères telles que l’annulation d’un permis en cas de destruction de l’environnement et de pollution importante est inacceptable car cette grave carence mènera inéluctablement au sacrifice des communautés concernées pour les intérêts privés d’une minorité (7). Il en est de même pour l’exploitation dans diverses régions du graphite, un minerai stratégique très recherché dans le monde, qui enrichira rapidement les compagnies minières concernées, au détriment des communautés affectées et de leurs droits fondamentaux.

L’expérience des autres pays dans le monde a en effet montré que l’exploitation des ressources minières abondantes ne suffit pas pour provoquer le développement d’un pays, elle peut accroître la pauvreté dans le cadre de la « malédiction des ressources naturelles » qu’une ONG internationale explique de cette manière : « Non seulement cette manne ne profite pas aux populations, mais l’exploitation des ressources naturelles leur nuit parfois directement.. et peut avoir un impact négatif sur l’économie d’un pays (..) si (..) les gouvernements des pays producteurs ne disposent pas des capitaux et des technologies pour les exploiter, d’un côté, et n’ont pas forcément les capacités ou la volonté – quand ils ne participent pas directement à des détournements – de gérer ces flux de manière transparente et dans l’intérêt du plus grand nombre, de l’autre » (8).

Afin que la population malagasy de toutes les régions puisse tirer des avantages réels des ressources minières mais ne soit pas uniquement une victime de leur exploitation par les sociétés minières, l’introduction dans le Code Minier du principe du consentement libre, informé, préalable et continu est absolument nécessaire pour que les communautés puissent donner leur avis, positif ou négatif, et qu’il soit respecté, en tant que critère principal pour la délivrance d’un permis d’exploitation par les structures de l’Etat. Par ailleurs, les ristournes aux collectivités décentralisées et la compensation des propriétaires du sol doivent devenir suffisamment conséquentes et conformes aux normes internationales, dans le cas où l’exploitation minière est acceptée par les communautés.

Tous les citoyens, notamment les députés et sénateurs, doivent faire preuve d’une extrême vigilance au cours de l’étude et du vote du projet de loi relatif à la révision du Code Minier.

 2 mai 2023

Références

 https://rfi.fr/fr/podcasts/invit%C3%A9-afrique/20230412-pr%C3%A9sidentielle-%C3%A0-madagascar-les-conditions-pas- r%C3%A9unies-pour-avoir-une-%C3%A9lection-transparente