En cette période où les autorités de l’Etat Malagasy sont en train de négocier les termes du renouvellement éventuel du contrat de la compagnie Rio Tinto/QIT Madagascar Minerals (QMM) pour l’extraction d’ilménite à Taolagnaro dans la région Anosy, il est indispensable de souligner que des organisations de la société civile ont tiré la sonnette d’alarme à diverses reprises, et ont appelé à un audit environnemental et social exhaustif de cette exploitation minière (i) afin d’alerter les autorités compétentes sur les préjudices subis par les habitants des villages directement affectés par l’installation de cette compagnie minière. Face au constat établi par une nouvelle analyse scientifique de la pollution de l’eau par ses opérations minières (ii), des mesures urgentes doivent être prises pour tenir la compagnie responsable de ces impacts néfastes sur l’environnement et la santé des communautés locales concernées.
D’une manière générale, la nocivité des impacts de l’extraction de minerais par Rio Tinto/QMM a été dénoncée depuis 2014 par les communautés affectées et leurs élus, notamment la propagation des rayons radioactifs qui nécessite le port de dosimètres par les employés dans certaines parties de l’usine d’extraction, ainsi que les effets destructeurs de la poussière d’ilménite sur les cultures vivrières dans les villages voisins (iii). Ainsi, dans le village d’Iainandrano, les arbres fruitiers (bananes, coeurs de boeuf, etc.) ne donnent plus que des fruits atrophiés, ou n’en donnent plus du tout.
En outre, deux études techniques réalisées par l’entreprise Ozius engagée par Rio Tinto d’une part, et le Dr Emerman, expert de l’ONG Andrew Lees Trust (ALT UK) d’autre part, « ont confirmé une violation grave de la zone tampon environnementale »iv établie par la réglementation malagasy pour protéger les populations riveraines des risques de pollution de l’eau qu’elles utilisent. Alors que cette violation illégale d’une zone tampon de protection de l’environnement a été considérée par l’Office National de l’Environnement comme ayant un impact « négligeable », selon l’ONG ALT UK, « le principal problème pour les habitants est le risque que l’eau enrichie en radionucléides par les résidus miniers lixivie dans des lacs et des cours d’eau adjacents où les gens pêchent et utilisent l’eau ».
En ce qui concerne particulièrement la pollution de l’eau des lacs et des rivières qui sont la principale source d’eau potable et de nourriture pour les communautés locales environnantes, le rapport de mars 2019 sur l’ « Examen de l’émission de matières radioactives de la mine Rio Tinto/QMM, Madagascar » commandé par l’ONG ALT et réalisé par l’experte S. Swanson révèle « les concentrations élevées d’uranium dans l’eau autour de la mine – jusqu’à 50 fois les recommandations pour l’eau potable de l’Organisation mondiale de la Santé à certains endroits – »v ainsi que le lien entre le taux élevé d’uranium et les contaminants de plomb qui polluent les eaux en aval de la mine où ont lieu les opérations de QMM.
Rio Tinto/QMM a enfin décidé de publier en mars 2021 son rapport sur la gestion des eaux usées provenant de son exploitation minière, en minimisant délibérément les impacts sur le milieu récepteur, et par conséquent sur les communautés locales concernées. Ce rapport a été évalué par le Dr Steven Emerman qui a de nouveau souligné dans son analyse que « la mine QMM expose les rivières et les cours d’eau locaux à des niveaux élevés d’uranium, plus de 50 fois les directives de l’OMS sur l’eau potable en certains endroits, et il confirme également des niveaux élevés de plomb près de 40 fois la consommation de l’OMS directives relatives à l’eau, telles qu’identifiées précédemment.» (vi)
Alors que les impacts sur la santé de la population locale qui a donc consommé cette eau contaminée depuis des années doivent encore être évalués de manière systématique, le CRAAD-OI a déjà pu constater lors d’une descente dans les villages d’Iainandrano et d’Ampasy Nahampoana en août 2018 que plusieurs enfants sont affectés par des maladies telles que l’hydrocéphalie, la paralysie et la nécrose des membres inférieurs, ainsi que par des malformations congénitales (vii). Des témoignages des villageois recueillis en février 2018viii à Amparihy signalent que « les enfants à la naissance ont automatiquement des problèmes aux yeux impossibles à soigner » et que ces maladies n’existaient pas avant le début de l’exploitation minière de Rio Tinto/QMM.
Jusqu’à ce jour, Rio Tinto/QMM QMM n’a toujours pas apporté de solution efficace à sa gestion des eaux usées et aux problèmes de contamination. De ce fait, les milliers d’habitants des localités riveraines du site minier continuent d’être exposés à des contaminants présentant des risques élevés pour leur santé et le développement de leurs enfants. Par conséquent, nous demandons incessamment aux autorités compétentes de l’Etat, de prendre les mesures urgentes qui s’imposent pour tenir la compagnie Rio Tinto/QMM responsable des conséquences négatives de son exploitation minière, et exiger de cette compagnie les réparations qui s’imposent à l’égard des communautés affectées. Nous tenons également à faire appel à l’attention de Monsieur le Président de la République Andry Rajoelina sur la responsabilité des dirigeants pour préserver la santé et la vie des citoyens malagasy face aux problèmes lies aux conséquences de la radioactivité autour des opérations minières à Fort-Dauphin. Pour respecter le principe de précaution, le projet d’exploitation des sables minéralisés dans le district de Toliara II doit aussi être définitivement annulé (ix).
01 Juin 2021
CRAAD-OI : Centre de Recherches et d’Appui pour les Alternatives de Développement – Océan Indien
craad.madagascar@gmail.com ;
Références
i Communiqué du 25 janvier 2020 du CRAAD-OI et du Collectif Tany.
ii Implications of a Wastewater Discharge Monitoring Report for Impact of the RioTinto QMM Ilmenite Mine on Downstream Water Quality, Southeastern Madagascar. By Dr Steven Emerman, April, 2021
iii Interview exclusif – Député HATREFINDRAZANA Jerry, https://www.madatopinfo.com/?p=3081
iv ALT_UK_Emerman_Zone_Tampon_FR_2018.pdf
v ALT-UK et PWYP, Risques miniers liés au régulateur de l’environnement à Madagascar, Annexe à la Lettre de la société civile aux Ministres Malgaches, août 2019. vi http://www.andrewleestrust.org/blog/wp-content/uploads/2021/05/ALT-UK-Evaluation-of-QMM-_Wastewater_Discharge_by-Dr-S-Emerman-2021.pdf
vii https://www.facebook.com/akill47/videos/890191817852399/
viii Ditto
ix Lettre ouverte à Monsieur Le Président de la République de Madagascar : http://www.terresmalgaches.info/spip.php?article285